Voyez-vous ?
Comment voir ce que l’on ne voit pas?
Même avec en poche une prescription de régulateur de l’humeur, il m’a fallu du temps pour bien saisir le sens de « troubles de santé mentale ». Des mois pour jeter aux ordures la plupart de mes tabous. J’ai tenu du bout des doigts, avec des gants de vaisselle, ma nouvelle étiquette. La tâche était colossale : m’adapter aux effets secondaires des médicaments; me pardonner mes excès; profiter des moments de stabilité sans craindre une rechute; protéger mon fils, ne pas rendre mon chum dingue; retourner travailler… la liste est tellement longue.
Au bout de deux ans, j’étais enfin prête à regarder en arrière. J’allais pouvoir prendre du recul. Le temps était venu de répondre à la GRANDE question. Depuis quand est-ce que j’avais des symptômes bipolaires?
J’ai survolé les 27 années qui ont précédées mon diagnostic. Sur la carte météo, j’y ai vu de grandes périodes d’instabilité. J’ai ressenti mon enfance sur fond d’anxiété. Une dépression s’est pointée à l’horizon au début de l’âge adulte. Elle a échappé au radar. Ensuite le ciel a déchargé de fortes précipitations anxieuses mêlées à une veille de troubles obsessifs compulsifs.
Chaque jour, la météo indiquait 50 pourcent de possibilités d’averses … ou de soleil.
J’ai étudié, je suis devenue journaliste. Je voulais travailler à TVA, j’ai réussi. J’ai un chum merveilleux, un fils « unique ». J’ai eu tout ca… malgré cela.
J’ai bêchée, j’ai bûché, j’ai picolé! Le bouchon a sauté et j’ai ramé.
Je me suis soignée. J’ai coopéré avec mon médecin. J’ai changé mes habitudes de vie. Je ne cours plus. J’oserais même dire que j’ai une « valeur ajoutée ». Mes idées sont claires, plus sereines. Je vais bien. Ma famille va bien.
Comment voir maintenant… ce que je n’avais jamais vu jusqu’à ce que j’atteigne mes 30 ans?
J’ai frappé un mur et j’ai rouvert les yeux!